Lors des Assises des Hébergements de Terroir 2023, les participants ont eu l’occasion de participer à l’atelier animé par Christian Steffens (ingénieur industriel et consultant en énergétique, électricité et électronique) sur la manière d’accroître le confort de son bâtiment et économiser l’énergie de manière durable et économique. Ayant une longue expérience professionnelle dans les domaines énergétiques, il plaide en faveur d’une transition non seulement axée sur le passage aux énergies renouvelables, mais également et prioritairement sur une utilisation rationnelle de l’énergie (URE).
Qu’est-ce que l’utilisation rationnelle de l’énergie (URE) ?
L’URE vise à la fois les économies d’énergie (ne consommer que le strict nécessaire), et l’efficacité énergétique (utiliser des appareils moins gourmands, pour un résultat équivalent). “De nombreuses recherches démontrent qu’en occident, l’URE pourrait entraîner une diminution de 40% à 60% de la consommation énergétique totale, sans compromettre le confort, l’emploi ou le PIB et en utilisant des technologies existantes”.
Comment économiser l’énergie ?
Pour faire des économies d’énergie, on peut s’attaquer à deux variables principales : la puissance (P) et le temps (t). En effet, en physique, l’énergie consommée (En) est égale au produit de la puissance (P) par le temps (t) : En = P x t.
Pour réaliser des économies sur le temps, des actions simples telles que l’extinction des appareils électriques ou électroniques (notamment en veille) peuvent faire une différence significative. La logique est simple, et pourtant rarement appliquée : N’allumer un appareil que lorsque l’on en a vraiment besoin. Pour ce faire, l’utilisation de multiprises avec interrupteur lumineux facilite l’allumage et l’extinction simultanée de plusieurs appareils électriques (TV et décodeur, écran et modem,…).
Pour réaliser des économies sur la puissance, la première étape est d’avoir une meilleure connaissance de la consommation de chacun de nos appareils. Pour ce faire, on peut consulter la plaque signalétique de l’appareil concerné. Mais il est surtout vivement conseillé de placer un petit instrument de mesure de l’énergie (wattmètre) sur les différentes prises. Ces petits outils, très pratiques et faciles d’usage ressemblent à un chrono-programmateur, coûtent une trentaine d’euros pièce, et indiquent à la fois la puissance consommée en temps réel, et l’énergie consommée après un certain temps (un mois, un an, p.ex.). Ils permettent de repérer quels sont nos appareils les plus « gloutons » en énergie, et d’agir ensuite de manière prioritaire sur les vrais coupables de nos consommations domestiques !
L’isolation, le secret de la rénovation énergétique
La pertinence de l’isolation énergétique ne se limite pas aux nouvelles constructions où la réduction de la consommation de chauffage peut atteindre 90 %. En effet, des travaux de rénovation énergétique d’un bâtiment existant peuvent entraîner une diminution de la consommation de chauffage de 60 à 80 % ! De plus, sous certaines conditions, des primes à la rénovation peuvent vous être accordées.
A titre d’exemple, le tableau suivant donne les pertes énergétiques d’une même maison unifamiliale, dans les différents cas de conception énergétique (valeurs moyennes les plus courantes, chaque maison étant évidemment plus ou moins différente) :
Maison unifamiliale 4 façades, 200 m2 plancher, par -10°C ext. / 20°C en int. |
Pertes par les paroies extérieures |
Perte par la ventilation |
Total des pertes de chaleur |
Équivalent consommation annuelleu (mazout) |
Maison ordinaire |
35 KW |
5 KW |
40 KW |
4000 litres |
Maison ordinaire après rénovation énergétique |
8 KW |
2 KW |
10 KW |
1000 litres |
Construction neuve très basse énergie |
3 KW |
1 KW |
4 KW |
400 litres |
Construction neuve, maison passive |
2 KW |
0.5 KW |
2.5 KW |
250 litres |
On pourrait s’interroger sur le coût important de tels travaux, mais les calculs de rentabilité et d’amortissement ne prennent pas en compte la volatilité des prix de l’énergie. “Qui peut sérieusement faire le pari que le prix du gaz et du mazout restera stable au cours des 10 ou 20 prochaines années ?“.
De plus, un bâtiment bien isolé thermiquement est beaucoup plus confortable à vivre… Comment chiffrer ce supplément de confort ?
Par ailleurs, une rénovation énergétique augmente aussi fortement et définitivement la valeur locative et le prix de vente du bâtiment. Et l’importance de ces paramètres thermiques ne fera que croître à l’avenir !
En pratique, une rénovation énergétique (bien pensée et correctement effectuée) est toujours rentable. Et si elle est déjà très fortement conseillée aujourd’hui, elle sera vraiment indispensable et inévitable dans un avenir proche…
Alors autant s’y mettre sans attendre, car chaque hiver qui passe vous fait perdre à tout jamais des milliers d’euros… qui auraient bien pu vous aider à financer les travaux !
Quelles démarches suivre ?
1. L’audit énergétique
Toutes les solutions ne sont pas pertinentes dans tous les contextes. Il est impératif de procéder d’abord à un audit énergétique complet avant d’entreprendre toute démarche. L’installation d’une nouvelle chaudière (par exemple) n’est pas pertinentetant que l’on n’a pas réduit au maximum les pertes de chaleur du bâtiment.
C’est seulement sur base de cet audit que l’on peut quantifier correctement les pertes énergétiques du bâtiment, et envisager comment réaliser des travaux de rénovation énergétique appropriés et efficaces.
2. Le choix de la chaudière
Une fois le programme des travaux établi, on peut calculer, avec une bonne précision, la déperdition thermique totale du bâtiment après rénovation énergétique. On constate vite que la puissance nécessaire pour le système de chauffage est devenue très faible (voir le tableau précédent sur les pertes énergétiques d’une maison unifamiliale).
Sachant qu’une chaudière de chauffage central ne donne son meilleur rendement énergétique qu’à sa puissance maximum, que sa puissance de fonctionnement ne peut être réduite sous les 30%, que si elle doit s’arrêter puis redémarrer sans cesse, son rendement et sa pollution atmosphérique deviennent catastrophiques, il faut donc absolument éviter de « sur-dimensionner » la chaudière !
La puissance maximum de la nouvelle chaudière (ou d’un autre système de chauffage) doit donc être égale (et pas supérieure !) à la déperdition thermique totale du bâtiment après rénovation énergétique. Le choix du système de chauffage et sa puissance ne peuvent pas être laissés à l’appréciation d’un simple chauffagiste, mais doivent être correctement décidés par un professionnel compétent !
De plus, il faut noter que, dans une maison très basse énergie, il y a tellement peu de froid qui rentre par les parois extérieures qu’une installation de « chauffage central » n’est plus nécessaire pour assurer un confort optimal dans chaque pièce ! Un simple petit convecteur à gaz, ou un poêle à bois/pellets (installé dans une pièce centrale, le salon p.ex.) suffit à chauffer agréablement toutes les pièces de vie. Ceci concerne plus particulièrement les nouvelles constructions « très basse énergie ». L’absence d’une installation de chauffage central représente évidemment une belle économie financière !
3. La ventilation
La ventilation constitue aussi une certaine perte d’énergie et mérite qu’on s’y attarde… La première étape est de boucher toutes les entrées et sorties d’air non maîtrisées. Nombreux sont ceux qui sur-ventilent leur habitat pour éviter la condensation. Mais en réalité, la principale cause d’humidité dans les maisons, c’est un manque d’isolation thermique des murs et parois extérieures. “S’il n’y a pas de surfaces froides, il n’y a pas de condensation”.
La ventilation mécanique contrôlée (VMC)
Il n’est évidemment pas question de « vivre dans un Tupperware » mais plutôt de maîtriser et rationaliser la ventilation du bâtiment par la ventilation mécanique contrôlée (VMC). La VMC est un système de ventilation qui assure un renouvellement contrôlé et optimisé de l’air intérieur. Dans un bâtiment, au départ le plus étanche possible, on choisit une entrée d’air idéale où l’on met un ventilateur à vitesse variable (faible coût et faible consommation électrique). Celui-ci va injecter de l’air frais dans la maison avec un débit et une direction contrôlée. Dans les pièces « polluantes », comme la cuisine, la salle de bains et les toilettes, on place des ventilateurs d’extraction. Ces différents ventilateurs peuvent être activés manuellement ou automatiquement grâce à des détecteurs d’humidité, de CO2 ou de présence. Ainsi, l’air circule, à simple flux, dans toute la maison de manière contrôlée et optimale, en toutes circonstances.
La ventilation à double flux
Ce système va plus loin en récupérant une partie de la chaleur de l’air évacué pour préchauffer l’air frais entrant. Il permet de réduire d’environ 50 % les pertes calorifiques induites par la ventilation. Mais, comme le tableau ci-dessus le démontre, ces pertes sont faibles. M. Steffens estime donc que le coût de ces installations (environ 6.000 à 10.000 euros), ainsi que le volume qu’occupent les échangeurs et toutes les canalisations nécessaires ne sont pas justifiés, vu les faibles gains réellement obtenus.
Le puits canadien / provençal
Comment ventiler son habitation sans y insuffler de l’air trop froid en hiver, et de l’air trop chaud en été ? L’alternative idéale est le puits canadien / provençal. La solution est simple : Avant d’entrer dans la maison, l’air traverse un long tube (env. 20 cm de diamètre, 10 à 50 m de long) enfoui dans le sol (1 à 3 m de profondeur). Comme le sol y reste en permanence à une température d’environ +10°C, il réchauffe l’air en hiver (de -10°C à +5°C), et le rafraîchit en été (de +30°C à +15°C). “C’est un préchauffage en hiver et un climatiseur en été !”.
Le coût d’installation est très faible (on peut souvent profiter des travaux de fouille pour les autres canalisations, p.ex.), le système ne consomme pas d’énergie en soi, ne tombe jamais en panne, et augmente très sérieusement le confort dans la maison !
En hiver, le puits canadien / provençal permet de réduire d’environ 50 % les pertes calorifiques induites par la ventilation. Et en été, il apporte un rafraîchissement important et bien agréable de la maison, sans consommer d’énergie supplémentaire (contrairement à une installation de climatisation conventionnelle).
4. Autres solutions proposées
Les panneaux solaires thermiques
Il s’agit d’une solution rentable et idéale pour (pré-)chauffer l’eau sanitaire ou pour une piscine. Ils devraient être installés en priorité, avant les panneaux photovoltaïques qui, eux, sont mieux adaptés à la production d’électricité, mais pas à celle de chaleur.
Les différents types de vitrage
Diverses options de vitrage sont disponibles et se distinguent, entre autres, par leur qualité d’isolation thermique. M. Steffens préconise particulièrement l’utilisation du « double vitrage à haut rendement » en raison de son excellent rapport efficacité/prix. Ces vitrages sont orientés, et doivent donc être installés correctement pour garantir leur efficacité optimale. Une installation incorrecte, en les positionnant à l’envers, réduit leur performance isolante.
Coefficient de transmission thermique |
Simple vitrage ordinaire |
Double vitrage ordinaire |
Triple vitrage ordinaire |
Double vitrage Haut rendement |
Triple vitrage Haut rendement |
Valeur U (W:m2.*K) |
U = 6 |
U = 3 |
U = 2 |
U = 1.0 à 1.2 |
U = 0.7 à 0.8 |
La pompe à chaleur : Attention !
Contrairement aux idées reçues et à la « mode » actuelle (propagée par les publicités), la pompe à chaleur (PàC) est, 9 fois sur 10, une mauvaise solution pour chauffer une habitation ou l’eau sanitaire (ballon « thermodynamique ») !
En effet, son rendement énergétique, le « CoP » (Coefficient of Performance), dépend directement de la différence de température entre la « source froide » (le milieu extérieur dans lequel elle puise la chaleur) et la « source chaude » (l’intérieur de la maison ou le ballon d’eau chaude sanitaire où elle délivre la chaleur transmise). Et, en hiver, lorsque la source froide (l’air extérieur, p.ex.) devient très froide (0°C à -10°C) et la source chaude doit être fort chaude (l’eau des radiateurs ou du ballon à +60°C), ce rendement CoP s’effondre dramatiquement, et peut facilement tomber à 1… Cela signifie qu’au plus froid de l’hiver, lorsque les besoins de chauffage sont les plus élevés, plus aucune énergie calorifique n’est prélevée à l’extérieur… et on chauffe 100 % à l’électricité !
Or, le chauffage à l’électricité est une catastrophe énergétique et environnementale : pour produire 1KWh d’électricité le pays consomme plus de 3KWh d’énergie primaire (pétrole, gaz, uranium) ! Et c’est aussi une catastrophe financière pour le consommateur final, car l’électricité coûte 3 à 5 fois plus cher que le mazout, le gaz, les pellets ou le bois ! Par ex. : Un litre de mazout fournit environ 10KWh de chaleur et coûte environ 1 euro, et pour qu’un radiateur électrique (ou une pome à chaleur, avec un CoP de 1 en plein hiver) fournissent 10KWh de chaleur, ils doivent consommer 10KWh d’électricité, soit environ 4 à 5 euros !
Si la source froide utilisée n’est pas l’air extérieur, mais plutôt un puits géothermique (forage vertical dans le sol, profondeur 30 à 80 m), la situation est un peu moins mauvaise car le sol (en profondeur) a une température d’environ +10°C. Mais lorsque la pome à chaleur prélève beaucoup d’énergie calorifique dans ce puits, la température y descend facilement jusque +5°C, voire 0°C… Ce qui n’est, en général, pas pris en compte dans les calculs de certains bureaux d’étude ! De plus, le forage d’un tel puits géothermique coûte facilement près de 10.000 euros… à rajouter au prix déjà très élevé de la pompe à chaleur elle-même.
En résumé : Dans le cas du chauffage d’un bâtiment, son choix ne pourrait être envisagé que si l’on utilise une source froide pas très froide (puits géothermique), et si la source chaude est un système de chauffage à basse température (chauffage par le sol), et seulement dans le cas d’un bâtiment à très basse énergie (consommation de chauffage très faible)… Mais dans ce cas, un petit convecteur à gaz ou un petit poêle à bois/pellets suffirait largement et serait beaucoup, beaucoup moins cher que la pompe à chaleur !
Dans le cas du chauffage de l’eau chaude sanitaire (ECS), il faut donner la priorité aux panneaux solaires thermiques qui assurent la totalité de l’ECS en été, la presque totalité au printemps et en automne, et une part non négligeable en hiver. Le complément de chaleur étant alors fourni par l’installation de chauffage principale du bâtiment.
Un dernier point : Vu qu’elles consomment de très grandes quantités d’électricité (très chère), certains vendeurs et installateurs sans scrupules essaient de vous vendre conjointement des panneaux solaires photovoltaïques censés produire l’électricité consommée par la pompe à chaleur… Or, ces panneaux solaires fourniront beaucoup trop d’électricité en été, lorsque la pompe à chaleur est à l’arrêt, et produiront beaucoup trop peu d’électricité en hiver, lorsqu’elle consomme un maximum ! Non seulement, il s’agit là d’une arnaque commerciale, mais en plus, c’est la meilleure manière de déséquilibrer le réseau électrique (local et national) par de larges excédents d’électricité en été, et des grosses pointes de consommation en hiver… De quoi donner beaucoup de soucis à nos gestionnaires de réseau, et aussi entraîner beaucoup plus de risques de « black-out » que ceux attribués (à tort) à l’arrêt de nos vieilles centrales nucléaires fissurées.
En conclusion
Les solutions miracles n’existent pas, et les méthodes et technologies disponibles ne conviennent pas de manière universelle à tous les bâtiments et environnements. C’est pourquoi une approche individualisée, basée sur une analyse approfondie des caractéristiques propres à chaque bâtiment, à son contexte et à son utilisation s’avère essentielle. Avant d’envisager de nouveaux travaux ou installations, avant de penser à des mises à niveau technologiques, il est impératif de d’abord traiter les problèmes fondamentaux, c’est-à-dire d’abord réduire au maximum le gaspillage énergétique. Et dans ce domaine, il y a moyen de faire de très gros progrès !
Comme le soulignait à juste titre Jean Monnet, « Les hommes n’envisagent le changement que dans la nécessité et ils ne voient la nécessité que dans l’urgence« . Il est donc impératif de ne plus attendre une situation d’urgence pour agir. En prenant des mesures proactives dès maintenant, nous pouvons contribuer à créer un environnement énergétique plus durable, et aussi à nous rendre moins dépendants et fragiles face aux événements futurs.